dimanche 9 mai 2010

Etats Généraux de la Femme 2010 : peu de places aux violences conjugales !

Violence, précarité et discrimination aux Etats Généraux de la Femme 2010.

Après sept mois de débats et des rendez-vous dans cinq villes de France (Lille, Lyon, Marseille, Paris et Bondy) où de nombreuses femmes ont pris la parole, le magazine ELLE clôturait le 7 mai dernier les Etats généraux de la femme 2010 lors d'un grand rassemblement à Sciences Po à Paris. Certains pouvaient suivre les débats en direct en vidéo sur ELLE.fr et quelques privilegies et plusieurs centaines de privilegiées étaient conviés pour l'occasion. Faisant partie de ces dernieres, le déplacement ne fut pas vain puisque, il ne s'agissait pas d'une pure opération de com comme a pu l'écrire Mry qui a certes remarqué que les femmes avaient parlé mais ne les a vraisemblablement pas écoutées et qui, en guise de com, a surtout fait la sienne.

La manifestation était remarquablement organisée et articulée autour de 4 tables rondes "Femmes et pouvoir" , "Liberté, maternité, sexualité", "Violence, précarité et discrimination" et "Les stéréotypes ont la vie dure", les restitutions furent riches en enseignement. Il reste que sur le sujet qui me tenait plus particulièrement à coeur, celui des violences faites aux femmes et plus précisément des violences conjugales, il s'en est fallu de peu que je reste sur ma faim.

Il y eut certes beaucoup d'émotion lorsque Kahina Benziane, la soeur aînée de Sohane, brûlée vive en 2002 à Vitry sur Seine, a rendu hommage à sa soeur, beaucoup d'intérêt  prêté aux propos tenus par Jeannette Bougrab, présidente de la Halde, venue s'exprimer sur les discriminations et la précarité, qui furent confirmés par Françoise Milewski, chercheuse à l’OFCE, et même un peu de surprise lorsque Naky Sy Savané, comédienne d’origine africaine, a entonné une chanson africaine avant d'évoquer la question de l'excision.

Il est seulement permis de se demander, comme me le faisait justement remarquer une jeune femme, si en cette année 2010 où les violences faites aux femmes sont consacrées Grande Cause Nationale, ce thème n'aurait pas mérité une table ronde à lui tout seul.

Certes, comme le soulignait assez justement Olympe (du plafond de verre), la question de la violence faite aux femmes bénéficie d'une audience dont ne jouissent pas d'autres sujets de société. A cela,  j'objecterai pourtant, qu'en la matière, nous sommes surtout habitués à la dure réalité des chiffres et aux trop nombreux faits divers.

En revanche, quel est le quotidien des femmes victimes de violences conjugales, qui sont elles, comment assument-elles leur rôle de mère au milieu de l'enfer conjugal, sont elles encore plus touchées par la précarité et cette même précarité est-elle seulement d'ordre pecuniaire, n'est-elle pas aussi matérielle ou morale ? Quels écueils rencontrent elles au niveau de la Loi, de la Justice, de la Société et quels changements attendent-elles ? Ce sont autant de questions que nous pouvions nous poser mais qui n'étaient au programme d'aucun intervenant puisque même Gisèle Halimi qui préside l'Association "Choisir la cause des Femmes" dont le but est aussi de " dénoncer et lutter contre les violences physiques et morales faites aux femmes " avait décidé de consacrer son intervention à la très intéressante question de la clause de l'Europeenne la plus favorisée.

Les violences conjugales auraient donc pu rester le parent pauvre de la journée de clôture des Etats Généraux de la Femme 2010 alors qu'elles ne pouvaient être passées sous silence lors de cette journée tant les chiffres confirment que les femmes en sont les premières victimes. Nous avons donc frôlé l'ecueil et ce dernier n'a été évité que par la présence très remarquée (la charmante Audrey Pulvar qui animait les débats s'exclamant d'ailleurs "mais vous êtes partout") de participantes membres de l'Association SOS Les Mamans résolument décidées à se faire entendre.

Une première " maman de SOS Les Mamans " aborda la difficulté supplémentaire engendrée par la maternité là où la violence entraîne déjà précarité, exclusion, asservissement et vulnérabilité, une seconde qui dissimulait à peine son émotion témoigna du parcours judiciaire et de la double peine des victimes, avant que la Présidente de l'Association SOS LES MAMANS ne rappelle :
"qu’une femme, et bien souvent une mère, meure tous les 3 jours en France sous les coups de son conjoint. Selon l’Observatoire national de la délinquance, seulement 10% des femmes déposent plainte si l’auteur est ce conjoint, et 8% s’il s’agit d’un autre membre de la famille. Il faut savoir que la justice familiale ne prend pas en compte les violences conjugales (deux procédures différentes), et ces violences perdurent à l'occasion de l'exercice de l'autorité parentale. En France, 4 millions d'enfants sont témoins de violences conjugales et 235 000 enfants seraient en danger. Les femmes, les mères se retrouvent devant un choix impossible. Soit, elles respectent le droit de visite avec le risque des violences que cela entraîne, soit, elles éloignent leur enfant, mais deviennent alors des délinquantes aux yeux de la loi ! ".

Qu'elles soient remerciées d'avoir mis en lumière la difficulté des mères de plus en plus fragilisées par le système (Elles représentent 54% des personnes prises en charge avec leurs enfants par le secours catholique en 2009) et de plus en plus séparées aussi (1 sur 3 aujourd'hui contre 1 sur 10 dans les années 60)" et d'avoir attiré l'attention sur le fait que, dans un contexte de crise économique, ce sont aussi les plus atteintes par la précarité.

A titre d'exemple, dans une société où la mobilité est de mise, ces femmes s'exposent au risque d'être soupconnées de vouloir éloigner leur(s) enfant(s) du père et de voir ainsi modifier les modalités de la résidence des enfants si elle obéissent a des impératifs professionnels. Il est regrettable que cette question n'ait pas été plus amplement développée par le Magazine Elle et cela d'autant plus qu'une majorité d'hommes se sont emparés des commentaires sous l'article " Violences : mourir dans le silence ce n'est pas possible ". Si chacun dispose de la liberté d'expression, qu'il nous soit permis de nous interroger sur le point de savoir si la modération n'aurait pas été de mise dès lors qu'il est difficilement tolérable de lire sur un tel sujet des commentaires tels que " On n'a pas le droit de dire qu'il y a des hommes qui souffrent ? S'il y en a effectivement peu qui meurent sous les coups de leur femme ou compagne (la nature ayant bien fait les choses), combien sont poussés au suicide ou à l'autodestruction par des mégères pas du tout apprivoisées ? Combien d'hommes à qualités égales obtiennent-ils la garde de leurs enfants ? A revenu égal, quelle est la proportion de femmes et d'hommes condamnés à des prestations compensatoires et à des contributions pharaoniques ? La victimisation à outrance à laquelle nous assistons ne sert pas la cause des femmes ".

Naturellement, ceux qui osent opposer à la douleur des maux et aux blessures aux corps et à  l'âme, la souffrance de leur porte-monnaie n'abuseront personne. Gardons, cependant, l'espoir qu'au delà de la prise de paroles de victimes qui n'avaient pas ete pressenties, un Magazine comme Elle apporte un réel éclairage sur la violence dont sont victimes ces femmes victimes et à travers elles leurs enfants en leur donnant un réel espace de paroles. La rubrique était d'ailleurs intitulée "La Parole aux femmes". En l'état, je suis restée sur ma faim.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est juste. La question des violences faites aux femmes aurait mérité d'être plus longtemps abordée. Même le 1er Ministre François Fillon rappelait ce sujet dans son discours d'introduction : http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/discours-du-premier-ministre-lors-des-etats-generaux-de-la-femme-organises-par-le-m
Dommage, peut-être une belle occasion manquée même si on se dit qu'on ne pouvait pas tout traiter.

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Bien entendu, la violence n'est pas tolérable. Mais attention à ne pas la segmenter entre une qui serait inadmissible (celle subie par les femmes) et l'autre relative (celle subie par les hommes). Dans les commissariats, les violences physiques ET psychologiques sont pointées du doigt, et asexuées.
Il ne s'agit pas de faire un concours de souffrance, mais de comprendre comment la violence arrive, psychologique, verbale puis physique, jusqu'au drame parfois.
Les coups physiques ne sont pas plus inadmissibles que la destruction psychologique ou la torture affective perverses, prenant par exemple les enfants pour otages, exemple malheureusement courant.
Il faudrait commencer par instaurer une obligation de suivi à la moindre plainte, pour pouvoir aider les couples à se sortir d'ornière par le dialogue, avant d'en arriver à la séparation, échec, souffrance supplémentaire, ultime violence réciproque, cause souvent de violences faîtes cette fois aux enfants-otages de l'irresponsabilité de certains parents, père ou mère, autour du problème de la résidence notamment. Là aussi, un accompagnement lors de la séparation devrait être systématiquement ordonné par les JAF, avant que les juges au pénal ne récupèrent des affaires tragiques.
Un problème de société s'il en est.

Anonyme a dit…

Article excellent mettant en évidence que oui certains états de fait (violence faites aux femmes, précarité des mamans seules , mères exclues ...)passe sous silence car trop banalisés .Véritablement dommage que le grand sujet était les femmes et l'entreprise alors que des mères dorment dehors sans leurs enfants retiré par les services sociaux, à l'heure où des mamans sont fustigées par des décisions de justice injustes et inadaptées.
Oui le nouvel asservissement de la femme passe désormais par sa maternité et l'annulation de ses droits de mère.

Anonyme a dit…

En réponse au commentaire suivant: "Bien entendu, la violence n'est pas tolérable. Mais attention à ne pas la segmenter entre une qui serait inadmissible (celle subie par les femmes) et l'autre relative (celle subie par les hommes).", merci de nous indiquer l'endroit précis où vous auriez pu lire dans l'article que vous commentez et même dans l'ensemble de ce blog qu'une distinction ait un jour été faite entre les violences subies par les femmes et celles subies par les hommes et où vous avez pu lire que les premières auraient été considérées comme inadmissibles et les secondes comme relatives.
Ce blog a vocation à traiter des violences conjugales sans distinction de genre et nous condamnons unanimement et bien évidemment ces dernières quelque soit le sexe de la victime. Il reste que nous nous efforçons aussi de suivre l'actualité. Or, croyez bien que nous en sommes les premier(e)s navré(e)s mais cette dernière fait plus souvent état de violences subies par les femmes qu'à l'encontre des hommes. Ce sont également les violences faites aux femmes qui ont été consacrées comme Grande Cause Nationale 2010 par le Gouvernement.
Nous vous invitons surtout à relire attentivement le titre de l'article que vous commentez. Il s'agit de rendre compte des " Etats Généraux de la Femme 2010 ". Vous conviendrez, il nous semble sans difficulté, qu'évoquer la question de la violence faite aux hommes dans cet article aurait constitué un hors sujet puisque cette thématique n'était purement et simplement, ce qui se conçoit aisément, pas à l'ordre du jour des " Etats Généraux de la FEMME ".
Enfin, pas plus que du sexe de la victime, il n'a été question de distinguer ici entre les violences physiques et psychologiques.
Quant à instaurer une " obligation de suivi ... pour aider les couples à se sortir d'ornière par le dialogue ", tout psychiatre ou psychologue compétent sur le sujet devrait pouvoir vous confirmer qu'en la matière et dès lors qu'elles tendent à maintenir l'emprise du conjoint (ou de la conjointe) violent(e) sur sa victime, toute négociation ou médiation est fortement déconseillée voire même à proscrire.

Anonyme a dit…

en réponse à la réponse sur "bien entendu, la violence n'est pas tolérable...".

j'ai bien lu l'article, mais je ne comprends pas votre réaction épidermique à ma réponse.
J'ai seulement voulu dire que la violence conjugale n'est pas un état fixe, mais un processus, qui, par définition, se fait à deux.
J'approuve évidemment qu'à un certain stade, il n'y a plus de dialogue possible.
Dans le livre de Marie-France Hirigoyen sur la perversion narcissique, ce sont souvent les attitudes de silence (justement) de mépris ou d'humiliation (et ce n'est pas un comportement sexué...) qui amène l'autre conjoint à la violence verbale, puis physique.
Je pense donc que ce que l'on pourrait qualifier "d'obligation de soin" dès les premiers "symptômes" (s'appliquant donc aux 2 conjoints), pourrait peut-être désamorcer ces processus de destruction.
Il s'agit de ne pas faire d'angélisme sur les responsabilités individuelles de chaque conjoint. c'est tout ce que je voulais dire.

Sur le fond, je suis désolé de vous dire que l'article laisse quand-même sous-entendre que les femmes sont victimes de toutes les agressions possibles (physique, professionnelle, financière, juridique, etc...).
Cela me semble très exagéré à la vue de nombres d'avancées paritaires depuis 30 ans, et la société française, quoi que vous en disiez, faisant plutôt preuve de discrimination positive envers les femmes (séparation, allocations, enfants, retraite,...), l'Europe nous rappelant d'ailleurs souvent à l'ordre à ce sujet. La parité, ce ne doit pas être l'inversion des déséquilibres passés...
A quand les états généraux des hommes pour qu'ils puissent aussi dire ce qu'ils vivent et pensent de l'organisation de notre société ?

Anonyme a dit…

réponse à :"Sur le fond, je suis désolé de vous dire que l'article laisse quand-même sous-entendre que les femmes sont victimes de toutes les agressions possibles (physique, professionnelle, financière, juridique, etc...).
Cela me semble très exagéré ...faisant plutôt preuve de discrimination positive envers les femmes (séparation, allocations, enfants, retraite,...), l'Europe nous rappelant d'ailleurs souvent à l'ordre à ce sujet. La parité, ce ne doit pas être l'inversion des déséquilibres passés...
A quand les états généraux des hommes pour qu'ils puissent aussi dire ce qu'ils vivent et pensent de l'organisation de notre société ?"

Très exagéré c'est une blague!!Vous voulez des chiffres , des témoignages dramatiques , ce ne sont pas les femmes qui tirent les ficelles de ce monde et qui ont les postes les mieux payés ect..ce qui me fait rire dans votre commentaire et de prendre une toute petite minorité de cas d'hommes (violentés, victimes d'injustice ect...) pour faire oublier que les femmes sont toujours aussi asservies en France qu'avant 1970 mais de façon plus sournoise.

Pour l'Europe, en 1990 la cour européenne alertait les pays de l'union et surtout la France à protéger les mamans seules car des années sombres allaient arriver pour elles .Il était aussi dit que les mères seules étaient largement victimes de discrimination.

Pour les états généraux des hommes la c'est LA grosse blague le monde est déjà un état général de l'homme, comme toutes organisations d'ailleurs.
Cessez cette hypocrisie vraiment très déplacée en ces temps difficiles pour les femmes et les mères.

 
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